lundi 30 janvier 2017

La nature n'a pas forcément besoin de notre amour


Captain Findus à bord de son célèbre bateau la "Calypso"

Moi j'ai ma vie, les animaux sauvages ont la leur. Nous sommes contents comme cela. Il semblerait que la chose la plus importante au monde, aujourd'hui, soit de communiquer avec les animaux. Ethologues, philosophes, zoo-anthropologues (je n'ai pas inventé cette catégorie, elle existe vraiment) nous chantent quotidiennement, comme des bardes, l'histoire de la réconciliation de l'homme et de l'animal. Il nous parlent de la rareté des bêtes sauvages dont il sont les représentants (les concessionnaires, pourrait-on dire) et, par là,  de leur préciosité. Connaitre les animaux sauvages confère du prestige. En  avoir côtoyé quelques uns donne à notre existence un surplus de signification. C'est comme dans les histoires de chasse et de voyage dont je me suis occupé dans le passé. Avoir un ami braconnier, pourvu qu'il soit un paysan authentique,  c'est illégal (on devrait le dénoncer) mais c'est chic. Avoir rencontré les "derniers sauvages" au cours du Camel Trophy ou d'un safari photographique, c'est ce qu'il y a de plus enviable. Vite un selfie!

Il y a quelques jours un jeune dauphin s'est échoué dans une plage en Argentine. Tous les baigneurs ont voulu se faire immortaliser à côté de lui ("Moi humain, lui dauphin, on s'embrasse, on s'aime,  que c'est tendre, que c'est beau ...). À la fin de la séance le dauphin était mort.


Merci dauphin, tu nous as fait le plus grand bien.

dimanche 29 janvier 2017

Cultures animales



Et voici, venant toujours du même gisement, une dernière réflexion sur la frontière homme/animal :


"De plus, l'homme a des habitudes que les animaux n'ont pas forcément  : prendre une douche par exemple ".

vendredi 27 janvier 2017

Ce chat nous cache bien quelque chose


Chat

Voici une trouvaille involontaire, je crois. C'est à propos de notre tendance à anthropomorphiser les animaux :


"Le chat qui nous attend à la maison et nous souris".

mercredi 25 janvier 2017

De l'humain animalisé à l'animal humanisé



Sandro Botticelli : Femme nue poursuivie par un prétendant

La correction d'autres copies issues, cette fois, du cours "De l'humain animalisé à l'animal humanisé", m'a permis d'accéder à toute une série de propos humoristiques. Parmi les traits d'humour volontaires je citerai les deux suivants sortis de la même copie :

"Aujourd'hui nous avons de plus en plus de mal à manger un steak car il est de plus en plus intelligent et de moins en moins animal".

Et un peu plus loin, au regard de "la puissance masculine qui domine" dans l'imaginaire du chasseur :

 "Il y a aussi le tableau de Botticelli qui nous montre la course effrénée et désespérée d'une femme qui tente d'échapper à son admirateur à cheval"".


Certains admirateurs, il faut bien le reconnaitre, sont particulièrement envahissants.

lundi 23 janvier 2017

On n'évolue pas tous à la même vitesse



Grotte Chauvet 


Avons-nous évolué par rapport à nos ancêtres? Oui, dans certains domaines.  Il n'empêche que je ne serais pas capable de dessiner un cheval  avec la précision  et la finesse d'un homme de l'aurignacien. Sur des gens comme moi, 30.000 ans d'évolution des techniques figuratives n'ont pas eu le moindre effet. 

samedi 21 janvier 2017

Détendu comme un archéologue


Mon livre de chevet, actuellement, est "Les religions  de la Préhistoire" d'André Leroi-Gourhan (version italienne). Je découvre par son biais le pouvoir apaisant de l'archéologie. Pour concilier le sommeil cette science du passé est tout aussi efficace qu'une bonne tisane.  J'ouvre le bouquin au hasard  et je plonge dans un univers purifié :  plus de sursauts, plus d'humeurs, plus de fermentations. Tout est rendu a l'état minéral. Cela met en perspective mes passions qui, à l'échelle leroi-gourhanienne, deviennent dérisoires.

Pour la même raison, j'aime me rendre seul  dans la forêt et m'y perdre.

André Leroi-Gourhan Les religions de la Préhistoire (Paléolithique), Paris, Presses Universitaires de France, 1964



jeudi 19 janvier 2017

Arrêtez votre cirque : Barnum, le progrès moral et l' "effet Bardot"

  
"C'est la fin du spectacle le plus triste de la terre" (Ingrid Newkirk, presidente du  People for the Ethical Treatment of Animals"

L'évolutionnisme social n'a pas la cote chez les anthropologues. On pense tout de suite au colonialisme : les "autres", sauvages, pauvres, et arriérés de toutes sortes sont moralement et  culturellement inférieurs mais en progressant, grâce à nous, ils atteindront notre niveau (ou presque).  Dans un article du quotidien La Repubblica la journaliste Katia Ricciardi exprime ses regrets pour la fermeture du cirque Barnum, un  univers plein de poésie dont elle  justifie, cependant, la disparition :  "un mondo che oggi, per evoluzione umana, non ha più ragione di esistere" (un monde qui, aujourd'hui, en raison de l'évolution humaine, n'a plus raison d'exister").


Cela m'inquiète : moi non plus, du point de vue de l'evoluzione umana, je n'ai pas trop de ragioni di esistere.

http://www.repubblica.it/cronaca/2017/01/15/news/chiude_circo_barnum-156061131/?ref=HREC1-15

mardi 17 janvier 2017

Les chasseurs-cueilleurs et le monde de la nature : une proximité intéressée


Chasseur-cueilleur utilitariste

Voici une troisième trouvaille issue du même cours d'anthropologie de la nature. On dirait du  Woody Allen :

"Les chasseurs-cueilleus sont des personnes qui sont proches de la nature mais qui l'utilisent à des fins culinaires".

Il n'y a rien à objecter.

Et voici l'annonce de notre prochain séminaire :




Séminaire EHESS - IIAC-Centre Edgar Morin
L'appropriation de la nature entre remords et mauvaise foi : la prédation comme spectacle

23 janvier 2017 - de 15h à 17h - salle 10 (105 bd Raspail, 75006 Paris)


Anne Simon

« Aux sources du romanesque : pistage et collecte »

La communication portera principalement sur les relations entre prédation, esquive et production de récit. La traque et le pistage seront abordée chez deux écrivains au style radicalement différent, Maurice Genevoix qui ouvre le XXe siècle à partir du carnage de la Grande Guerre, Jean Rolin qui ouvre le XXIe siècle à partir des conflits planétaires de notre contemporanéité. Sans doute parce qu’elle est un « parcours d’espaces »[1], la traque (dont une dimension politique est la chasse à l’homme, chez Genevoix ou Chamoiseau) a partie liée avec le processus de la création dans la littérature du vingtième siècle : plus l’animal fuit, plus l’écrivain le cherche, dans une poursuite qui le mène non seulement vers une des caractéristiques fondamentales du rapport des bêtes aux hommes – l’esquive–, mais aussi vers lui-même. Je conclurai sur une mise en regard/en confrontation du paradigme de la chasse et du paradigme de la cueillette, du ramassage, de la collection, de la déambulation pour aborder la production littéraire, et tout particulièrement le roman comme passage et traversée.

[1] M. de Certeau, L’Invention du quotidien. 1. Arts de faire, Gallimard, « Folio », 1990, p. 170.



dimanche 15 janvier 2017

Sacrifice et développement durable


Mayas mettant en valeur des ressources renouvelables

Voici une autre perle issue d'un examen d'anthropologie de la nature :
"Le sacrifice humain chez les Mayas semble bien éloigné des principes écologiques que l'on peut imaginer".

(la prochaine merveille dans deux jours)



vendredi 13 janvier 2017

L'anthropologie de la nature et ses malentendus



Lisant des copies d'examen,  parfois,  j'ai le sentiment de ne pas avoir été suffisamment clair.

On m'attribue, par exemple,  le propos suivant : "Chez les Esquimaux la femme sert d'appât pendant la saison des amours en faisant croire au phoque qu'elle est une femelle phoque".

mercredi 11 janvier 2017

Bêtes exemplaires : la leçon du roitelet


Roitelet huppé

Je m'émeus toujours en lisant l'histoire du roitelet qui monte jusqu'au au ciel, avec  tous les risques que cela comporte, pour obtenir du Bon Dieu le secret du feu. Cet oiseau minuscule remplit son rôle prométhéen aussi bien dans les mythes australiens que dans le folklore breton et normand (je tiens cette information  de Sir James George Frazer).

Pourquoi c'est le roitelet qui apprend aux humains, dans deux cultures tellement différentes,  comment fabriquer le feu?

1) Parce que l'histoire  est vraie.

2) Parce que James Frazer  a retouché les récits pour "faire beau".

3) Parce que des missionnaires étaient passés par là.

4) Pour des raisons liées au plumage ou à l'éthologie du roitelet.*



*C'est peut-être la bonne explication mais elle n'est est pas très amusante, donc je privilégie les  hypothèses précédentes.

lundi 9 janvier 2017

Bye-bye Caulerpe, et un grand merci. Pour la réhabilitation des espèces invasives


L'algue tueuse

Pauvre Caulerpa Taxifolia, on l'a soupçonnée de tous les maux et traitée de tous les mots ("algue tueuse", "peste verte", "espèce opportuniste" ...).  Pourtant, pendant une bonne décennie, elle a fait fonctionner des laboratoires, enrichi des particuliers, alimenté des journalistes en mal d'inspiration, donné matière à des films et des romans (des pures merveilles trop vite oubliées), permis même aux ethnologues, malgré la faible utilité de leurs analyses,   de participer à des projets de recherche.     Et maintenant, après avoir accompli sa mission, elle se retire. Elle s'en va.

Adieu Caulerpa Taxifolia, tu nous a fait beaucoup de bien*.

*J'aborde cette question de façon moins sarcastique dans les articles suivants:
"Algues tueuses et autres fléaux", (d'Hondt, JL. Lorenz, J. éd). , Côtes et estuaires, milieux naturels, éd. CTHS, Paris, 2002
"Ceci n'est pas un mythe : l'obsolescence médiatique de Caulerpa taxifolia" in (Sophie Bobbé éd. : Communications n. 76 Nouvelles figures du sauvage, , p. 181-202
"Les invasions biologiques sous le regard des sciences de l'homme", in (R. Barbault, M. Atramentowicz coord.) Les invasions biologiques, une question de natures et de sociétés, Paris Quae, 2010, p.  65-108


Sur les transformations environnementales et la théorie du complot cf. aussi mon article  :  "Le gibier de l'apocalypse. Chasse et théorie du complot" Ethnologie française, Les animaux de la discorde (Vanessa Manceron et Marie Roué éd.) 2009 39 (1), 89-99.

samedi 7 janvier 2017

Gastronomie nouvelle : pour en finir avec la viande de bœuf



Francis Bacon,  Figure with Meat (1954)

Un nouveau boucher vient de s'installer en ville. C'est un boucher new look. Sa marchandise est artistiquement présentée. Pour chaque pièce il a un discours très précis quant à ses origines et à la bonne manière de la cuire. Sa viande coûte presque le double que chez un boucher ordinaire (j'exagère un peu, peut-être) mais la qualité, je dois le reconnaître, est largement supérieure. "Tout dépend de ce que la bête a mangé", paraît-il.


J'en déduis que le filet ou les rognons d'un chef étoilé, Pierre Gagnaire ou Paul Bocuse, par exemple, devraient être succulents.

jeudi 5 janvier 2017

Faut-il cacher l'acte sacrificiel?



"Bonne fête du sacrifice !" Couverture du magazine satirique turc Penguen 2 octobre 2014 (merci à Olivier Givre qui m'a transmis cette illustration ).

"Ils pénétrèrent dans une cour, un vieillard coiffé d'une calotte sortit à leur rencontre, et la grand-mère prononça quelques phrases en yddish. Le petit vieux prit la poule, marmonna quelque chose, la poule rassurée caquetait. Puis il fit un geste rapide, à peine perceptible mais sûrement horrible, et jeta la poule par-dessus l'épaule; elle poussa un cri et se sauva en battant des ailes, et le garçon vit qu'elle n'avait plus de tête; le petit vieux l'avait tuée." Vassili Grossman, Vie et destin, Paris, Julliard, p. 193.

Des gestes coutumiers dans les sociétés traditionnelles prennent de plus en plus des connotations criminelles*.

Après avoir reçu la scénographe Florence Evrard (De la tête à la queue) nous reparlerons de l'"acte sanglant"  lundi prochain avec l'ethnologue Olivier Givre  dans le cadre du séminaire "L'appropriation de la nature entre remords et mauvaise foi. La prédation comme spectacle" (Séminaire EHESS - IIAC-Centre Edgar Morin 9 janvier 2017 - de 15h à 17h - salle 10 (105 bd Raspail, 75006 Paris - Séance ouverte au public).

Voici le résumé de son intervention :

Voir et montrer la mort animale. Régimes de visibilité et d’invisibilisation
 du sacrifice sanglant.

 Mes travaux sur les recompositions du sacrifice sanglant, notamment en Islam et d’un point de vue comparatif (Bulgarie, France, Turquie, Soudan), m’ont conduit à déployer une réflexion sur les régimes de visibilité et d’invisibilisation, du cacher et du montrer, en matière de mort animale. Cette réflexion concerne à la fois les manières de donner à voir ou de cacher la mort animale rituelle, sa représentation et son traitement médiatique, ainsi que la posture du chercheur lui-même témoin de l’acte sacrificiel.
 Une mort bonne à voir (et à montrer) ?
Alors qu’il est fréquent de considérer l’abattage comme une « ellipse » entre l’animal et la viande (selon les termes de Françoise Héritier-Augé, in Vialles, 1987), le sacrifice semble se présenter à l’inverse comme un acte nécessitant de rendre la mort visible et attestable. Sa pratique « traditionnelle » implique souvent l’ensemble de la maisonnée, de la famille (y compris les enfants), voire le voisinage : brouillant les rapports entre espaces privés et publics, la mise à mort rituelle constitue un acte social valorisé, que l’on ne cache pas.
 Une euphémisation de la mort animale « moderne » ?
Cette mort « bonne à voir et à montrer » se heurte néanmoins à différents types de rejet et de critiques, comme le suggère l’exemple d’Istanbul où l’on observe une dénonciation fréquente (dans l’opinion publique ou les medias) de la violence de l’acte sacrificiel ou encore des « ratés » du sacrifice (animaux échappés, blessures, etc.). D’autre part, la technicisation croissante du sacrifice (abattoirs ultramodernes, achat du sacrifice « clé en mains » à des groupes commerciaux, don à distance, etc.) implique fréquemment une euphémisation de la mise à mort proprement dite (et donc de sa visibilité).
 Que peut voir (et montrer) l’ethnologue ?
La question se pose enfin de manière réflexive dans la pratique du terrain et l’usage fait des données (images, vidéos, etc.) ethnographiques. La réalisation de supports visuels durant l’acte sacrificiel pose des questions classiques à la pratique ethnographique : quel est le degré d’assentiment des acteurs ? Comment appréhendent-ils la présence (et les pratiques) de l’ethnologue ? Mais dans le cas présent, elle peut également constituer une « défense méthodologique », une manière de mettre à bonne distance les affects du chercheur. L’usage de ces images pose à son tour la question du montrable en matière de mort animale.


* Je commente ce passage de Vassili Grossman (exemplaire, à mon sens, dans son ambiguïté - il nous incite à la non-violence tout en diabolisant deux pauvres vieillards) dans le chapitre "Du camp au poulailler" de  L'éloquence des bêtes, Paris, Métailié, 2006, p. 145-181-.

mardi 3 janvier 2017

Le bestiaire de La Repubblica. La disparition d'une star



Panda chinois 


L'année  2016, tout le monde en parle,  a été particulièrement sévère avec les célébrités. Je puise au hasard  dans la liste du site "JeSuisMort.com" (cela existe vraiment) : Michel Butor, Allan Rickman, Umberto Eco, Elie Wiesel, Maurice Opinel (couteaux), Mohammed Alì, Gato Barbieri, David Bowie,   Leonard Cohen,  Fidel Castro, William Salice (inventeur de l'œuf Kinder Surprise), Carrie Fisher et sa maman.

Et maintenant, comme s'il ne suffisait pas, on apprend que même Pan Pan vient de nous quitter. Vous ne connaissiez pas Pan Pan? Mais si, bien sûr, Pan Pan ... le panda géant le plus âgé du monde!  31 ans et 130 descendants.

dimanche 1 janvier 2017

Le nouvel an et le mort envieux

Talisman

Dans les sociétés pré-modernes la fête du nouvel  an coïncide souvent avec le retour des morts. On est heureux de les recevoir mais en même temps on les craint. Oui, parce que les morts peuvent être jaloux. Ils nous regardent vivre et ils se disent : ""Et moi, alors?". Certains morts, par exemple, sont persuadés  que s'ils se trouvent dans cet état c'est à cause des vivants (à partir du principe qu'il n'y a pas assez de vies pour contenter tout le monde). Les morts qui estiment avoir raté leur existence, en particulier, cherchent ardemment à se venger.

Pour les neutraliser on leur fait des offrandes, on renonce à des choses importantes, on "sacrifie". Les plus raisonnables repartent satisfaits. Les plus hargneux et les plus obtus ne lâchent pas prise et passent leur temps a persécuter les vivants.

Peut-on s'en débarrasser? Difficile, car la souffrance d'autrui est ce qui donne un sens à leur vie, pour ainsi dire. On peut toujours essayer avec des amulettes. La corne en corail, dans le passé, semble avoir  donné des résultats remarquables. La patte de lapin  a également  une réputation solide. Il y en a de pas chères en vente sur Amazon.